Syndicats, employeurs territoriaux, DRH et juristes dénoncent la volonté du Gouvernement de casser le statut

Le dessinateur et caricaturiste Chaunu croque au quotidien l’actualité française et internationale pour Ouest-France.

 

 

 

Stanislas Guerini (Ex-membre du PS), ministre de la Destruction de la Fonction publique a fait des annonces tonitruantes.

Il souhaite notamment accroitre les possibilités de licencier des fonctionnaires. Derrière cette volonté, il s’agit à termes de mettre en place de véritables plans de licenciements collectifs qui concerneront tout le monde et non uniquement ceux qui sont considérés comme de mauvais fonctionnaires. Pour preuve en Argentine, le Président vient de licencier 15000 fonctionnaires.

Il envisage également la suppression des catégories A, B et C. L’accès à ses catégories repose sur des niveaux de formations initiales (Bac, Bac +2, Bac +3, Bac +5) dont la reconnaissance se traduit par des niveaux garantis de rémunérations et de déroulement de carrière. En supprimant les catégories, le gouvernement entend s’extraire de ce système pour payer moins chers les fonctionnaires disposant de ces formations initiales.

L’ensemble des syndicats représentatifs (CFDT, CGT, FO, SUD) est vent debout contre ses annonces complétées par la volonté de généraliser les primes à la tête client en faisant sauter les garanties collectives de rémunération.

Les syndicats sont rejoints en cela par les DRH et les employeurs territoriaux, ainsi que des juristes.

Le Président du CNFPT va même jusqu’à accuser le Gouvernement de vouloir détruire le statut.

Nicolas Lonvin, porte-parole de l’ADRHGCT, n’a pas ressenti, sur le terrain, l’impression de dé-considération des agents en fonction de leurs catégories. « Et je n’ai pas le souvenir que ce soit ressorti du sondage ‘fonction publique +’ mené par le ministère… »

Et puis, comment, concrètement, la disparition des catégories pourrait-elle « casser le plafond de verre » pour les agents ? Murielle Fabre, secrétaire générale de l’Association des maires de France (AMF), se pose la question. Cela ne lui semble pas, à elle non plus, « l’alpha et l’oméga pour répondre à la fluidification et aux mobilités des agents. La refonte des grilles indiciaires serait plus efficace pour lever ces freins ».

« Notre mission en tant qu’élu, c’est que nos services publics fonctionnent et que les conditions de travail soient bonnes pour les agents. C’est à nous de fluidifier les choses », abonde Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territorial (CSFPT) et maire UDI de la ville de Sceaux (92).

François Deluga, président du CNFPT et membre de l’association des maires de France prévient : « Il n’est pas question d’accepter quoi que ce soit qui déstructure le statut. Car c’est cela qui se cache derrière. »

Il explique qu’il s’agirait là d’une « manœuvre sémantique pour passer d’une fonction publique de carrière à une fonction publique de métier. Une manière détournée de supprimer le statut. »

L’avocate Lorène Carrère réagit : « Cela fait 25 ans que j’exerce en droit de la fonction publique auprès de Seban Avocats, et 25 ans que je vois des fonctionnaires être révoqués du fait de leurs manquements (6 cette semaine). » Et d’ajouter : « Je ne parle même pas des licenciements pour insuffisance professionnelle (encore un obtenu en mars dernier) ni de ceux pour suppression de poste. Donc : quel tabou ? »

Idem pour Emilien Ruiz, professeur assistant à Sciences Po et auteur en 2021 de l’ouvrage « Trop de fonctionnaires ? Histoire d’une obsession française » (Fayard). Dans un post, il republie certains passages de son livre dans lesquels il recense le nombre de licenciements de fonctionnaires, preuve selon lui que le tabou invoqué par le ministre n’existe pas.

Le groupe de réflexion Le Sens du service public remet lui aussi les pendules à l’heure : « le licenciement des agents publics est aujourd’hui possible pour faute grave, insuffisance professionnelle ou inaptitude physique. N’oublions pas non plus que depuis la loi du 6 août 2019, il est possible d’activer la rupture conventionnelle dans la fonction publique. »

Lors des discussions préalables à la promulgation de cette dernière, le think thank avait proposé de supprimer la saisine du conseil de discipline pour les licenciements pour insuffisance professionnelle, pour simplifier la procédure, actuellement jugée complexe.
« En effet, en toute logique, le conseil de discipline ne devrait rester compétent que pour les licenciements pour faute. En parallèle, pour les licenciements pour insuffisance professionnelle, il s’agirait d’instaurer une procédure simplifiée, respectant les principes du contradictoire, les droits de l’agent et susceptible de recours devant le juge administratif. », défend Le Sens du service public.

Lequel estime que « prétendre en 2024 initier une grande réforme de la fonction publique en débutant les discussions avec les partenaires sociaux et dans les médias par le licenciement des fonctionnaires ressemble au pire à une provocation, au mieux à une minoration des véritables défis de la fonction publique (attractivité, rémunération, représentativité de la société française…) ».

A quelques semaines des élections européennes, le Gouvernement s’achète auprès de son électorat conservateur et libéral (économiquement) une page de pub sur le dos des fonctionnaires et du service public.

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