Cynthia Fleury, philosophe et psychanalyste, Promouvoir une vie sociale et politique fondée sur l’attention créatrice de chacun à chacun

Tracts, le podcast | Que serait une société qui ne se soucierait pas du soin ? Cynthia Fleury, philosophe et psychanalyste, ne l’envisage pas. « Quand la civilisation n’est pas soin, elle n’est rien », déclare l’auteure du Tracts « Le Soin est humanisme ». Comment les humanités peuvent-elles habiter le temps du soin ? Comment comprendre le sens de notre vulnérabilité ?

Cynthia Fleury, en 2016.
Cynthia Fleury, en 2016. Crédits : Jean-Marc ZAORSKIGetty

En observant les « corps fatigués » et les « esprits abîmés » des citoyens lors de la crise des Gilets Jaunes et, aujourd’hui, subissant les conséquences de la pandémie, Cynthia Fleury a décelé la « trace d’une vraie usure« , révélatrice d’une crise de la subjectivité, d’un manque de soin de soi et d’autrui et d’un défaut de considération pour le soin dans notre Etat de droit.

Or le soin se trouve au fondement de notre humanisme estime la philosophe et psychanalyste, professeure titulaire de la chaire Humanités et Santé au Conservatoire national des arts et métiers et directrice de  la chaire de philosophie à l’hôpital Sainte-Anne du GHU Paris psychiatrie et neurosciences. Dans ce Tracts, Cynthia Fleury défend une conception politique du soin. « Quand la civilisation n’est pas soin, elle n’est rien, constate-t-elle. Les humanités doivent prendre racine et promouvoir une vie sociale et politique fondée sur l’attention créatrice de chacun à chacun. »

L’Etat social de droit ne tient que par la mise en place d’un ethos du soin. On a vu à quel point lorsque tout s’écroule, à cause d’une catastrophe, de l’inédit, du réel dans sa dimension d’ébranlement, les choses classiques s’effondrent. Mais il y a une chose qui ne s’écroule pas, c’est l’ethos. C’est-à-dire les valeurs, les gestes solidaires, la culture, le capital social… Tout cela ne s’écroule pas, car ce n’est pas que matériel, c’est quelque chose qui tient par l’implication des individus. Cynthia Fleury

En envisageant le soin comme un souci de « rendre capacitaires » les individus – c’est à dire de leur rendre leur souveraineté – s’ouvre la possibilité d’envisager la vulnérabilité comme quelque chose qui n’est pas seulement un déficit :

C’est terrible parce que la pandémie raconte l’expérience d’une vulnérabilité systémique. Nous sommes vulnérables, c’est notre condition. Mais nous avons aussi en partage le déni de la vulnérabilité, ce qui ne nous aide pas parce que la vulnérabilité est un réel qu’on ne peut pas nier. On peut tout faire pour l’éviter, le réduire, et c’est bien l’enjeu. Mais le fait de le dénier empêche d’en faire un levier capacitaire. Cynthia Fleury

La pandémie a été un terrain de jeu – et de non-jeu – pour expérimenter cette crise, mais plus viscéralement, cette rupture de paradigme qui nous fait entrer dans un monde autre. Avec ces expériences d’effondrement et de raréfaction d’accès à la ressource quelle qu’elle soit – la liberté, les vaccins…- nous allons entrer dans un monde de priorisation, d’exception de la raison gouvernementale, qui menace les humanités. Cynthia Fleury

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