Les femmes, premières pénalisées
Au-delà de l’impact sanitaire sur la santé de chacun.e, le COVID-19 va lourdement pénaliser les femmes parce qu’elles sont au front pour assurer les services publics et en première ligne pour réaliser les tâches domestiques et familiales.
Les femmes déjà pénalisées professionnellement par rapport aux hommes – n’oublions pas qu’elles gagnent en moyenne 25% de moins que les hommes – risquent d’être touchées de façon particulière par les mesures envisagées pour réduire la propagation de l’épidémie. Le gouvernement devra apporter des garanties suffisantes et les Instances Représentantes du Personnel (IRP) et représentant.e.s du personnel vont enjoindre les employeurs à protéger les travailleuses, notamment les plus précaires, les femmes en temps partiel, celles accueillant des jeunes enfants et celles au contact du public.
Retrouvez ICI et ci-dessous la note du Collectif Femmes Mixité qui développe ce que nous disions également avec force dans le texte des Journées Intersyndicales Femmes http://www.egalite-professionnelle.cgt.fr/nous-sommes-fortes-nous-sommes-fieres-feministes-et-toujours-en-colere/ et qui rejoint des articles tels que celui de la revue médicale The Lancet qui appelle les gouvernements à prendre en compte les conséquences particulières du coronavirus sur les femmes : voir l’article sur Batsmag https://www.bastamag.net/coronavirus-Covid19-femmes-soignantes-TheLancet-inegalites-epidemies-sante
Les femmes, particulièrement exposées dans leur travail
A l’heure où tout le monde félicite, à juste titre, ces héros que représentent les membres du personnel hospitalier, il n’est pas inutile de rappeler que la majorité de ces héros sont des héroïnes. Le monde hospitalier est, aujourd’hui, massivement féminin. En premier lieu parmi les aides-soignantes et les infirmières, où le pourcentage de femmes approchent les 90 %. Mais aussi parmi les médecins hospitaliers, population aujourd’hui largement féminisée. Héroïnes parce qu’en première ligne pour combattre le COVID-19 pour le bien de toutes et tous, avec des moyens réduits par plus de 30 années de politique libérale qui ont massacré nos politiques de santé publique.
Héroïnes et exposées au Covid-19 sont aussi les 700 000 caissières et caissiers de la grande et petite distribution – dans leur grande majorité des femmes – indispensables pour satisfaire aux besoins essentiels de la population confinée. Oublié.e.s du discours d’Emmanuelle Macron qui n’a évoqué la situation des supermarchés que pour inviter les client.e.s à respecter discipline et distance. Pas un mot, sur le manque de masque et de gel hydroalcoolique pour le personnel, ni la proximité avec la clientèle de plus en plus nombreuse, stressée et pressée.
Héroïnes aussi les techniciennes de surface, en contact avec des éléments pathogènes et contagieux, les agentes des services publics, assistantes maternelles ou gardiennes d’enfants à domicile. Tous ces métiers sont principalement exercés par des femmes, le confinement n’est pas pour elles. Ces femmes, aujourd’hui, risquent tout simplement leurs vies ou la vie d’autrui en partant travailler tous les matins parce que notre système ne peut pas faire sans elles, victimes de l’incurie des choix économiques de nos dirigeants.
Les femmes, premières concernées en cas d’interruption de travail
Emmanuel Macron s’est engagé à ce que « l’État prenne en charge l’indemnisation des salarié.e.s contraint.e.s à rester chez eux ». D’après les annonces du gouvernement, le chômage partiel devrait être pris en charge à 100 % pour les salarié.e.s aux SMIC, 84 % pour tous les autres et à 80 % pour les aides à domicile.
Il n’est pas acceptable de savoir que les personnels à domicile – métier à très forte prédominance féminine- bénéficient d’un moindre maintien de salaire. Ces femmes seront donc les plus pénalisées par le chômage partiel. Pour l’égalité des droits de toutes et tous, tous les salaires des salarié.e.s au chômage partiel devraient être maintenus à 100%.
Les femmes, plus que jamais en première ligne pour prendre en charge les enfants
Le gouvernement prévoit des dispositions concernant les enfants revenant de zone à risque ou de moins de 16 ans dont l’établissement scolaire est fermé. Dans ce cas-là, les salarié.e.s peuvent prévoir avec l’employeur de se mettre en situation de télétravail. Si ce n‘est pas possible, les salarié.e.s et agent.e.s du public peuvent obtenir un arrêt de travail pour garde d’enfant.
Mais si un.e salarié.e ne souhaite pas télétravailler et veut bénéficier de l’arrêt de travail pour garde d’enfant, elle ou il ne pourra pas l’exiger. En effet, en cas de circonstances exceptionnelles, d’épidémie ou de force majeure, le télétravail peut être imposé parce que nécessaire à la poursuite de l’activité (article L. 1222-11 du Code du travail). L’accord des salarié.e.s n’est plus requis. Pour certaines familles monoparentales, une large majorité de mères célibataires, c’est donc l’obligation de télétravailler tout en gardant les enfants : une double journée de travail intenable !
Il est possible de fractionner l’arrêt ou de le partager entre les parent.e.s sur la durée de fermeture de l’établissement. Un.e seul.e parent.e à la fois peut se voir délivrer un arrêt de travail. La CGT a obtenu des premières victoires : les conditions d’ouverture de droit (assiette minimale de cotisations, durée minimale d’affiliation) ne sont pas requises et le délai de carence de 3 jours dans le privé ne s’applique pas. Mais les Indemnités Journalières de Sécurité Sociale (IJSS) ne peuvent être versées dans ces conditions dérogatoires que pour une durée maximale de 20 jours. À compter du 6 mars 2020 et jusqu’au 30 avril 2020, les fonctionnaires conservent 100 % de leur rémunération nette, primes incluses. Les salarié.e.s du privé, eux, conservent 90 % du salaire net.
Cependant, l’indemnisation de l’arrêt de travail pourrait être moins favorable au-delà de 20 jours. Ainsi, dans une logique « comptable », le risque serait que ce soit principalement les personnes aux revenus les plus modestes (les femmes) qui choisissent de rester en arrêt pour garder les enfants afin de limiter au minimum l’impact sur les revenus du ménage.
Ce qui est à craindre alors, c’est le transfert de toute la responsabilité de la prise en charge des enfants sur les femmes, voire la culpabilisation de celles qui refuseraient cette responsabilité. Risque plus que probable sachant qu’en temps normal, 73% des tâches ménagères sont encore réalisées par les femmes.
Enfin, statistiquement on constate que la majorité des aidants sont des « aidantes » (aide aux personnes âgées/ majeur.e.s souffrant de handicap / majeur.e.s vulnérables médicalement). Or, pour les aidantes, il n’y a aucune disposition particulière prévue par le gouvernement, en dehors de la prise de congés sans soldes. Là encore, les femmes seront en 1ère ligne.
Ainsi, au regard de l’ensemble de ces éléments, on constate que les femmes, les plus précaires comme les cadres, vont être les plus touchées par l’obligation de travailler ou le chômage partiel.
Le confinement : risque accru de violences intrafamiliales
Fait important à rappeler, cette injonction au retour au foyer n’est pas sans risque pour les femmes victimes de violences intrafamiliales, forcément aggravées par le confinement imposé. Rappelons qu’en cas de violences survenues au domicile, pendant le télétravail, l’employeur est responsable. Une prévention et un dispositif de signalement s’imposent ! C’est dans ce cadre qu’un aménagement des conditions de travail peut être demandé, par exemple, avec la mise à disposition d’un logement quand l’entreprise dispose d’un parc locatif. Mais cette obligation de l’employeur pourrait être plus difficile à exécuter en raison des mesures de confinement drastiques.
Quels droits défendre ?
L’urgence est aujourd’hui de protéger la santé de toutes et tous et d’assurer la satisfaction des besoins essentiels de la population.
Tout d’abord, il est important de rappeler que pour protéger la santé et la sécurité de toutes et tous, des dispositions légales existent déjà. Ainsi les travailleur.euse.s ont un droit de retrait quand elles ou ils estiment qu’une situation professionnelle présente un risque grave et imminent menaçant leur santé. C’est un droit individuel qui ne peut être limité par l’employeur ou le gouvernement en l’état actuel de la législation. La CGT apporte son soutien à toutes, celles qui par l’action collective, par l’usage du droit de retrait, luttent pour défendre leurs droits à la santé et à la sécurité.
L’employeur a une obligation de sécurité et de résultat envers les travailleuses et doit leur garantir leur santé physique et mentale. Il doit tout faire pour fournir, sans délai, les équipements de protection indispensables à celles et ceux qui travaillent.
Enfin, les IRP et les représentant.e.s du personnel, peuvent utiliser leur droit d’alerte en cas de danger grave et imminent pour contraindre l’employeur à établir des mesures urgentes et concrètes de protection. Le gouvernement devra apporter des garanties suffisantes et les IRP et représentant.e.s du personnel vont enjoindre les employeurs à protéger les travailleuses notamment les précaires, les femmes en temps partiel, celles accueillant des jeunes enfants et celles au contact du public.
Là encore, les IRP et représentants du personnel devront s’assurer que l’employeur respecte bien son obligation de sécurité et de résultat et ai mis en place les mesures de protection nécessaires quand les mesures de chômage partiel avec maintien total du salaire ne seront pas possibles.
Quels droits gagner ? A circonstances exceptionnelles, réponses exceptionnelles !
Au niveau national, La CGT ne lâchera rien sur les questions de santé et de sécurité au travail, ni sur les questions d’égalité des droits. Gouvernement et patronat doivent prendre leur responsabilité pour assurer à toutes et tous des garanties sanitaires, économiques et sociales sans discrimination. Dans les entreprises la CGT se doit d’être pleinement associée aux mesures d’hygiène santé et sécurité décidées par les directions. La CGT restera vigilante aux annonces du gouvernement pour assurer l’égalité des droits à travers le fonctionnement de notre système de sécurité sociale et la mise en œuvre de mesures non discriminantes et liberticides.
Au niveau local, nous invitons nos syndicats CGT à interpeller les dirigeant.e.s de leurs entreprises et établissements, exiger des CSE et des CHSCT extraordinaires, et l’ouverture de négociations sur les points essentiels que sont :
– Le maintien à 100% des salaires durant la période de confinement, qu’il s’agisse des arrêts maladies, du chômage partiel
– L’arrêt immédiat de toutes les activités ne participant pas à la production de biens et de services répondant aux besoins essentiels de la population
– La revalorisation des salaires des femmes en urgence dans le secteur de la santé et les secteurs relevant de la catégorie besoins essentiels
– Des équipements de protection indispensables
– Un dispositif pour encadrer le télétravail avec possibilité de choix entre les arrêts de travail pour garde d’enfant et le télétravail
– Un dispositif pour maintenir le contact avec les femmes isolées parce que le retour au foyer peut être synonyme de violences conjugales.
– Le respect de la législation sur la mise en place du chômage partiel
– Le maintien de la rémunération à 100% pour tout.e.s les travailleur.euse.s.
– L’interdiction de licenciement
Nous, syndiqué.e.s, nous resterons quoiqu’il arrive en contact avec les travailleur.euse.s. Nous organisons d’ores et déjà des réunions téléphonées avec nos syndicats pour briser l’isolement et augmenter le rapport de force pour obtenir ces revendications.
Collectif Femmes mixité CGT
A lire sur le site Gagner l’égalité professionnelle