Projet de loi portant création d’une collectivité européenne d’Alsace, Un texte régressif pour les agents et le service public, renforçant la désorganisation territoriale

 

 

 

 

Intervention devant le CSFPT du 13/02/2019

 

 

La déclaration en PDF:Projet de loi relatif aux compétences de la collectivité européenne d

Monsieur le Président

Monsieur le Directeur général

Mesdames messieurs

Cher-e-s collègues

 

Le CSFPT est saisi d’un projet de loi relatif aux compétences de la collectivité européenne d’Alsace.

 

I/ Un cadre juridique porteur de déréglementation des droits

 

Celui-ci s’inscrit dans un cadre juridique précis qui en détermine sa nature et son contenu.

Comme le rappellent les auteurs de ce projet dans la 1ère phrase de l’exposé des motifs, il s’agit de la construction européenne, plus précisément des traités de Rome.

 

Ce cadre est complété par le nouveau traité bilatéral franco – allemand dit d’Aix-la- Chappelle qui instaure une responsabilité diplomatique expérimentale à l’échelle de la Région Grand Est.

De plus, ce projet apparait comme la continuité des lois MAPTAM et NOTRe.

Or, ce cadre juridique de rattachement constitue un corpus régressif pour les droits des salariés du privé comme du public. Ce projet vise ainsi à de nouvelles déréglementations dont les premières victimes seraient les salariés des deux rives du Rhin.

Il anticipe le droit à la différenciation des collectivités qui ferait voler en éclat l’égalité de traitement des citoyens, tant au sein de la région Grand-Est, qu’au niveau national. Dans ce contexte, les velléités d’autres territoires, qui revendiquent une collectivité spécifique et un droit à la différenciation seront renforcées et affaibliront l’organisation territoriale permettant une égalité de droit et d’accès à toutes et tous sur le territoire national.

Il vise surtout à expérimenter, avant de le généraliser, le nivellement par le bas du droit du travail, de la protection sociale, des conditions fiscales sur les deux départements. Ce que veut le Medef pour la France, il l’aura pour le territoire alsacien à titre d’expérimentation.

Ce projet de loi intervient alors que nos concitoyens expriment fortement depuis des mois leur attachement à des services publics de qualité

 

 

II/ Une légitimité démocratique défaillante

 

Ce projet prend place également dans un cadre démocratique défaillant.

 

Pour le gouvernement, cette évolution de l’architecture territoriale est le fruit d’un consensus institutionnel, témoignant d’un désir d’Alsace exprimé par des collectivités locales et leurs élus.

Ce faisant, le gouvernement méconnait gravement le fait que le 7 avril 2013, une majorité d’électeurs (55,74 %) du Haut-Rhin, a rejeté lors d’un référendum, la création d’une nouvelle collectivité territoriale unique, la Collectivité territoriale d’Alsace.

Certes ce ne serait pas la 1ere fois que la volonté des électeurs ne serait pas respectée suite à un référendum ayant trait directement ou indirectement à l’Europe. Rappelons-nous le non français de 2005 sur le traité établissant une constitution pour l’Europe ou le non des Danois en 1993 au traité de Maastricht.

Ce non-respect de la démocratie nourrit directement la monté de l’extrême droite dans toute l’union européenne. Il est l’une des causes du mouvement social et politique des gilets jaunes qui secoue la France depuis 4 mois désormais.

Toujours sur le plan démocratique, ce projet de loi est problématique car il prévoit à de multiples reprises le recours au procédé certes constitutionnel des ordonnances, mais consistant à donner un blanc-seing au gouvernement.

 

III/ La fusion du territoire de deux départements dans une nouvelle collectivité dotée de compétences exorbitantes

 

La collectivité européenne d’Alsace exercera donc l’ensemble des compétences dévolues aux collectivités territoriales départementales 67 et 68, et elle bénéficiera, de surcroît, de compétences spécifiques et particulières.

Il s’agit donc de la fusion de 2 départements dans une nouvelle collectivité dotée de compétences exorbitantes.

Cette fusion impactera la région Grand Est, l’Eurométropole de Strasbourg, les collectivités et EPCI d’Alsace, qui pourront se voir octroyer une délégation de compétences, les CDG, les SDIS, et les services déconcentrés de l’Etat. L’utilisation de la technique du chef de filât et des conventions de délégations de compétences à tout va promet  de beaux imbroglios en matière de gestion de compétences et des conflits politiques et juridiques en chaine.

Quant à l’empilement des compétences, il contribuera à une complexification de la mise en œuvre des politiques publiques, illisibles pour les citoyens, les contribuables et les usagers.

Alors que la maïeutique des schémas régionaux a été plus que douloureuse depuis 2017, les voilà percuté par cette nouvelle collectivité qui dispose de son propre schéma de coopération transfrontalière et de son propre schéma touristique.

Il s’agit d’un passage en force contre l’organisation territoriale de la République en opposition avec l’intérêt général, celui des usagers, mais aussi celui des personnels.

 

IV/ Les garanties des personnels omises

 

Les personnels des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, relèveront de plein droit au 1er janvier 2021 de la collectivité européenne d’Alsace dans les conditions de statut et d’emploi qui sont les leurs.

Cette disposition ne règle en rien les problèmes auxquels ont été confrontés les agents qui ont subi des fusions ou réorganisations institutionnelles territoriales au titre de la loi MAPTAM, de la loi NOTRe ou de la révision des Schémas Départementaux de Coopération Intercommunale. (SDCI)

La CGT tient à rappeler ici les conditions de fusion des 3 régions constitutives du Grand Est et leur impact pour les personnels. Ce processus a conduit à une vague de Risques Psycho Sociaux sur diverses questions comme celles des doublons fonctionnels, des mobilités forcées, du maintien des avantages acquis et plus globalement du fait d’une très forte incertitude quant à l’avenir.

Le projet de loi est particulièrement laconique, silencieux et vide en la matière. Aucune étude d’impact (notamment RPS) n’est envisagée.

Aucune garantie n’est affirmée en matière de maintien de rémunération ou des droits en matière de protection sociale,  d’action sociale  et de temps de travail.

Faut-il s’en remettre à la seule future autorité territoriale pour cela ? Lors du Comité technique du CD67 le 10/01/2019, il a été affirmé des garanties. Devant le CSFPT, nous demandons que de telles garanties soient gravées dans le marbre du projet de loi, pour les personnels actuels et à venir.

En y intégrant, toutes les questions engendrées par de tels processus organisationnels, comme celle des doublons fonctionnels et celle de l’alignement des avantages acquis par le haut.

Au demeurant, la nouvelle collectivité ne règle pas la question des moyens ou de l’autonomie financière des collectivités territoriales. La question du montant et de la pérennité des compensations suscite des inquiétudes la vue des pratiques étatiques.

Le transfert de la compétence sur le réseau routier national non concédé n’est-il pas une source supplémentaire d’étranglement budgétaire, à travers une défausse de l’Etat des dépenses et personnels afférents.

Ce projet de loi préfigure la future loi fonction publique dont l’un des axes est le développement du recours aux contractuels. Le présent texte dispose ainsi que L’Etat et la collectivité européenne d’Alsace prévoient dans la convention prévue à l’article L. 312-10 du code de l’éducation, les recrutements complémentaires, y compris par contrat, des personnels chargés de dispenser un enseignement en langue et culture régionales.

Poussant la logique à son acmé, les auteurs du projet écrivent que les différentes modalités de ces recrutements, y compris par contrat permettront de répondre aux questions concrètes identifiées, notamment de rémunération.

En 2013, la CGT avait appelé à voter lors du référendum contre la création d’une nouvelle collectivité territoriale unique, la Collectivité territoriale d’Alsace.

Ce nouveau projet qui vise à poursuivre ce qui a été rejeté en 2013 constitue une remise en cause de l’Etat permettant une égalité de droit et d’accès à toutes et tous sur le territoire national, par le biais de services publics de qualité, de proximité et modernes, produits par des agents publics protégés par un statut porteur de progrès social.

La Collectivité européenne d’Alsace n’est autre qu’un nouvel ovni dans la désorganisation territoriale de la république engagée en 2010 sous Sarkozy, poursuivie sous Hollande et amplifiée par Macron.

La CGT s’oppose à ce projet aujourd’hui comme elle s’y était en 2013. Elle n’est pas dupe de ce qui se trame et qui n’augure rien de bon, ni pour le secteur privé ni pour le secteur public qui ne sera pas épargné par les économies d’échelle liées au périmètre transfrontalier des compétences de cette nouvelle entité.

La CGT se prononce pour un autre projet européen que celui d’une concurrence généralisée entre les territoires et les salariés.

La CGT porte une autre conception de la république décentralisée en s’appuyant notamment sur trois des cinq principes du développement durable « l’épanouissement de tous les êtres humains dans l’action territoriale », « la cohésion sociale et la solidarité entre territoires et générations », « la dynamique de développement suivant des modes de production et de consommation responsables ».

Comme les agents territoriaux en ont été le vecteur dans le cadre de la décentralisation et du statut de la FPT. Séance

Karim Lakjaâ

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