Quand les nouvelles technologies tuent la relation manager-salarié

Par Jean-Claude Savina, Coach de dirigeants | Chef d’entreprise : accompagnement, formation en management | Développer le potentiel humain

Le digital, le big data, les plateformes collaboratives… Les nouvelles technologies sont des « game-changers » pour le monde du travail. Elles bouleversent tout, le temps de travail, nos façons de travailler mais aussi la manière dont nous communiquons. Ces nouvelles technologies nuisent à la relation manager-salarié, voyez par vous-même pourquoi…

Quand la data remplace les entretiens individuels

La révolution digitale nous promet de gagner en rentabilité. Les solutions mode « Analytics » permettraient d’anticiper les besoins, de prévenir les risques sociaux, d’améliorer la qualité du recrutement…tout cela grâce à la data. Des chiffres, très certainement pertinents, qui font la force de cette RH 2.0.

Tout cela est déjà écrit depuis de nombreuses années. Pour exemple, et pour être plus précis, depuis le détournement de l’EAE de sa vocation première qui était de renforcer la communication entre le manager et le managé.

Avec l’avènement de la big data, de plus en plus d’entreprises accentuent et finissent de transformer le traditionnel entretien annuel d’évaluation en une séance de recueil de chiffres. Beaucoup n’en font plus et lui préfèrent des formulaires en ligne avec de simples cases à cocher.

Si l’EAE devient « électronique ou digital » pour gagner du temps, pourquoi pas, si et seulement s’il existe d’autres entretiens durant l’année. C’est là que le bas blesse, nous y reviendront plus tard.

Un constat : un entretien « digital » est plus aisé que d’écouter le collaborateur, que de parler de soi.

Le dialogue est de moins en moins existant entre manager et salariés. Finalement il ne reste plus qu’à collecter des données suivant le ressenti subjectif du manager. Le danger est de voir les collaborateurs comme des statistiques. De fait de continuer à considérer le manager comme un pseudo « contrôleur de gestion ». Il perd le sens du collectif, pire encore il contribue au système qui déshumanise l’entreprise. Un cocktail détonnant pour une catastrophe annoncée. Moins de dialogue avec le manager mène à moins de compréhension, à moins de reconnaissance, de sens et au final à un collaborateur sur la voie du désengagement et de la démotivation. Comment croire qu’une suite de chiffres peut remplacer un discours « vrai » entre deux personnes ?

Comment créer ce fameux « pont de communication » qui crée entre deux être un lien fort permettant le respect ?

Pourtant l’entretien individuel, ou one to one ou face to face ou …, est l’outil le plus efficace dont le manager dispose. C’est un moment décisif pendant lequel il peut prendre le pouls du collaborateur. En discutant, face à face avec le collaborateur, il peut en savoir plus sur son état d’esprit, ses besoins, ses attentes, ses motivations, ses ressentis, ses désirs d’évolution, et bien d’autres points. De son côté, le manager peut également exprimer ses besoins, ses attentes, son état d’esprit, ses ressentis. Lorsqu’il est bien réalisé, ces entretiens permettent tout au long de l’année de savoir si le couple managé-manager avance bien vers ses objectifs.

Dans le management Lean, le gemba est une pratique « terrain » qui se passe avec de « vraies » personnes, pas des statistiques.

Les nouvelles technologies n’ont pas seulement infiltré les ressources humaines, elles sont désormais au cœur de notre travail, pour le meilleur et souvent pour le pire.

Nous faciliter la vie et rendre les échanges plus faciles, voici le but premier des nouvelles plateformes collaboratives qui envahissent notre quotidien au plus grand plaisir des « faiseurs de miracle ». Lorsqu’on travaille en mode projet, elles peuvent effectivement nous rendre la tâche plus simple en rendant le dialogue accessible à un grand nombre de personnes en simultanée, en favorisant le partage de documents.

Mais quand le « tchat » remplace les échanges physiques entre collaborateurs, le risque est de tout simplement de ne plus se « parler » et donc de se comprendre.

Par un SMS, un mail, un tchat comment prendre en compte la partie la plus importante de la communication : le non-verbal ?

En favorisant les mauvaises interprétations, les incompréhensions, la plateforme qui devait nous faire gagner en efficacité et en temps nous en fait désormais perdre.

Pire, comme si notre monde ne tournait pas assez vite, les plateformes collaboratives accélèrent les processus de communication réduisant les moments de réflexion à leur simple expression : pas de recul = précipitations = erreur de jugement, réaction sans contrôle . On peut difficilement parler d’un travail collaboratif performant.

Un autre exemple d’une recette « miracle » pour mettre en œuvre la collaboration : les open space. Le but de ces espaces était de promouvoir le travail en équipe collaborative. Selon une étude récente de la Harvard Business School, les conversations en face à face seraient réduites de 70% ! De peur de déranger ou par facilité, les acteurs choisissent l’email ou le chat plutôt qu’un franc échange en face à face. Les salariés ne parlent plus à leur manager, pire ils ne parlent plus entre eux. Le lien social se dégrade et donc l’équipe perd en collaboration. C’est l’échec de la recette qui devait favoriser le travail collaboratif.

Comment (re)nouer le dialogue avec ses salariés ?

Un silence de monastère dans un open space est donc un très mauvais signe. Limitez les e-mails et l’utilisation des plateformes collaboratives au stricte nécessaire et pour le reste parlez à la personne en vrai. Rien n’est plus efficace qu’une conversation en face à face.

En tant que manager, vous devez retourner sur le terrain, au cœur de l’action et auprès des collaborateurs. Leur donner l’attention dont ils ont besoin et qu’ils méritent. Montrez-vous accessible en prenant le temps de parler à vos collaborateurs. Ne dites pas simplement qu’au besoin votre porte est ouverte. Planifiez des entretiens individuels à des dates précises pour pouvoir discuter avec vos collaborateurs de tout et de rien. La première chose qu’un être humain cherche au travail est de la reconnaissance en tant qu’être humain. Offrez-lui l’espace de parole dont il a besoin, cette chance d’avoir un manager reconnaissant et humain.

Ouvrez-vous et parlez honnêtement et en vérité de ce que vous pensez et de vos impressions et émotions. Ce n’est pas intuitif, cela sera difficile au début, ce n’est pas ce que l’on vous a appris. Si vous exprimez les choses importantes avec vérité et sincérité vous instaurerez une culture positive du dialogue dans votre équipe.

Érigez et consolidez un pont de communication : un travail quotidien

Imaginez que vous êtes le log d’un fleuve, sur une rive et que vous voulez échanger avec la personne sur l’autre rive. Comment faire ? Tout simplement avec un « bonjour, comment allez-vous ? » pour démarrer la discussion ! Vous avez créé un lien. Cependant, ce lien n’est pas suffisamment solide pour collaborer. Pourquoi devez-vous construire une structure plus solide ? Parce qu’il arrive qu’un manager doit dire des choses importantes, parfois pas faciles à dire, voire très difficiles à dire. Se contenter d’une liane pour transmettre des messages lourds serait risqué. Pour renforcer votre pont de communication, il existe un seul moyen : écouter et échanger ! Intéressez-vous vraiment à l’autre, pas de manière « politique ». Soyez authentique dans votre rôle de manager. Cherchez les besoins, les attentes des collaborateurs. Dites ce que vous ressentez, ce que vous pensez, la vérité et faites autrement.

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