L’acteur, défenseur résolu des droits des saltimbanques et d’une manière générale du cinéma hexagonal, aura été le président du syndicat français des acteurs CGT de 1963 à 1966. Le seul engagement politique de sa vie.
«Adieu, camarade». C’est par ces mots que se termine l’hommage de la CGT à Jean-Paul Belmondo, décédé lundi à l’âge de 88 ans. On l’a oublié, mais sa carrière cinématographique a en effet démarré en 1957, dans un film réalisé par Henri Aisner et commandé par la Confédération Générale du Travail. Intitulé Les copains du dimanche (qui avait aussi au générique Michel Piccoli), ce long-métrage voulait «célébrer la fraternité ouvrière», ainsi que le résumait Jean-Paul Belmondo lui-même dans son autobiographie parue en 2016, Mille vies valent mieux qu’une.
À l’opposé de son rival et ami Alain Delon et bien que pourfendeur du politiquement correct, Bébel n’a jamais voulu heurter son public populaire en affichant ses opinions politiques. Il a déclaré d’ailleurs très tôt dans sa carrière dans Paris Match: «Je n’ai pas de message à faire passer, j’ai toujours joué pour tout le monde.» Et peut-être pour prendre le contre-pied de grands acteurs engagés de l’époque comme Yves Montand et Simone Signoret, il définira sa ligne de conduite en ajoutant: «C’est trop facile quand on vit dans le luxe de crier: “ Y’en a marre du chômage, des guerres, etc”.». Dans sa manière gouailleuse et dans le style de son ami Coluche, il aurait même pu conclure par le définitif: «Circulez, y’a rien à voir.»
Après son passage au Conservatoire, il prend sa carte à ce qui était à l’époque le Syndicat français des acteurs (SFA), émanation de la CGT. Et le héros de notre cinéma après son premier triomphe dans À bout de souffle, qui buscula tous les codes du septième art, participe en 1962 au Gala de l’Union des artistes en effectuant des cascades époustouflantes pour bien montrer qu’il est prêt à mouiller sa chemise pour défendre ses congénères.
En 1963 après L’homme de Rio qui le consacre monstre sacré à 30 ans, celui que tout le monde désormais surnomme affectueusement Bébel, est élu président du SFA à l’unanimité. Dans sa biographie, il expliquera pourquoi, pour la seule fois de sa vie professionnelle, il s’était engagé publiquement : «Je m’étais toujours senti concerné par les combats militants, car il était question de défendre nos droits à une époque où les réalisateurs empochaient toute la gloire, et les producteurs tout le pognon. (…) Ma considération pour le métier d’acteur était bien trop grande pour permettre sans broncher qu’on nous dévalue, nous spolie, nous maltraite. (…) Il n’était donc pas question de combattre à distance, de loin, sans être immergé dans les préoccupations communes.»
Durant trois ans, Jean-Paul Belmondo mit sa notoriété au service du syndicat et des artistes moins célèbres que lui. «Le spectacle, ce sont les quelque vingt mille comédiens, acteurs de cinéma, de théâtre, de télé, qui travaillent quand on veut bien leur en donner l’occasion et dont beaucoup ont bien du mal à vivre de leur métier, ce métier qu’ils ont choisi et qu’ils aiment. Et ceux-là, ils ont besoin d’être syndiqués et de se battre pour la vie. J’ai des tas d’amis qui travaillent trois mois par an et moins parfois. Mais il faut manger pendant douze mois. Les sources d’emploi, voilà le problème», assurait-t-il avant de renoncer à son mandat en 1966, trop accaparé qu’il était par sa carrière. Un départ dont la CGT ne lui a semble-t-il pas tenu rigueur.
Il restera, c’est vrai, adhérent du syndicat de nombreuses années après son mandat, et continuera encore, quand le temps le lui permettait, de participer aux Galas de l’Union.