Le 21 septembre 2019, avant de mettre fin à ses jours, Christine RENON, directrice d’école à Pantin, débutait sa lettre en faisant le constat de son épuisement : « Aujourd’hui, samedi, je me suis réveillée épouvantablement fatiguée, épuisée après seulement trois semaines de rentrée. »
Le 8 novembre, la lettre de Anas K., étudiant à l’université Lyon 2 qui a décidé de s’immoler devant le bâtiment du CROUS commençait par : « Aujourd’hui je vais commettre l’irréparable. »
Ces cris de détresse qui n’attendent pas de réponse nous interpellent par la détermination et le courage qu’ils nous adressent. Ils dénoncent aussi des situations intolérables qui ne peuvent plus être supportées. La première lettre met clairement en cause l’organisation du travail et la désorganisation du service public d’éducation nationale qui porte atteinte à la santé des travailleur·es au point de ne plus pouvoir envisager d’autre issue que l’irrémédiable. La deuxième lettre nomme des responsables sans détour : « J’accuse Macron Hollande, Sarkozy et l’UE de m’avoir tué, en créant des incertitudes sur l’avenir de tout·tes. J’accuse aussi Le Pen et les éditorialistes d’avoir créé des peurs plus que secondaires. »
J’accuse !
Quelle est cette société où le nombre d’étudiant·es qui ne se soignent pas ou ne mangent plus à leur faim faute de moyens ne cesse d’augmenter ? Quel est ce système où, pour suivre les études supérieures de son choix, il faut emprunter ou avoir un emploi salarié pour financer ses études ? Quel est ce monde où un ministère de l’éducation peut publier sans état d’âme une statistique qui glace d’horreur : 58 suicides d’agents durant l’année 2018-19 et 11 suicides recensés depuis septembre 2019.
Nous refusons cette banalisation de l’horreur.
Nous n’acceptons pas qu’en 2018 la dépense annuelle par étudiant·e ait atteint son plus bas niveau depuis 2008, que le gouvernement pille les fonds de la sécurité sociale pour financer sa politique d’austérité, que les réformes en cours imposent la précarité à toutes et tous dans une logique implacable : casse du droit du travail, réforme de la protection sociale, réforme de l’assurance chômage, loi de transformation de la Fonction publique, regroupements et fusion des établissements, orientation forcée dans le secondaire, ParcourSup et sélection à l’entrée à l’université, réduction des capacités d’accueil des formations, réforme des retraites, lois liberticides et discriminatoires, etc.
La misère et la précarité tuent. Les conditions et les organisations du travail toxiques tuent. L’individualisation et la mise en concurrence tuent. L’autonomie des établissements et le désengagement financier de l’État tuent. Le démantèlement des services publics et la mise à bas du modèle social construit selon les principes élaborés par le Conseil national de la Résistance tuent.
Nous n’acceptons pas de mourir ou de voir mourir du mal-travail et de la mal-vie qui nous sont imposés.
Nous ne voulons pas passer notre vie à la perdre ni même être condamné·es à juste survivre.
Nous voulons une société laïque et émancipatrice, où la solidarité et l’entraide priment sur le chacun pour soi et la concurrence, où chacun·e ait les moyens de vivre et travailler dignement.
La CGT exprime toute sa solidarité avec Anas K., sa famille, ses camarades.
Aujourd’hui c’est le refus du désespoir et la colère qui nous animent. Nous appelons
• Aux rassemblements organisés ce jour devant les CROUS et CNOUS sur l’ensemble du territoire.
• À une mobilisation massive le 5 décembre et les jours suivants pour que la jeunesse n’ait plus à se poser cette question lancinante et dévastatrice : « après ces études, combien de temps devrons nous travailler, cotiser pour une retraite décente ? ». Pour que l’espoir renaisse !