L’employeur est soumis à une obligation de préserver la santé de ses salariés. À cet effet, il doit mettre en place les mesures permettant de prévenir les agissements ayant un impact sur les salariés. Que risque-t-il lorsque les salariés sont victimes de faits constitutifs de harcèlement moral ? Illustration ici avec une série de sept arrêts…
Harcèlement moral : un pendant de l’obligation de préserver la santé des salariés
L’employeur a une obligation de prévention des risques professionnels. Il est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs : actions de prévention des risques professionnels, actions d’information et de formation, mise en place d’une organisation et de moyens adaptés… (Code du travail, art. L. 4121-1).
Ainsi, en ce qui concerne le harcèlement moral, la législation met à la charge du chef d’entreprise une obligation de prévention du harcèlement pour en empêcher sa survenance. Il appartient à ce dernier de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les actes de harcèlement moral.
Il faut relever cependant que depuis une jurisprudence du 1er juin 2016, l’obligation de l’employeur en matière de préservation de la santé de ses salariés vis à vis du harcèlement moral est devenue une obligation de moyen renforcé. Ainsi, si l’employeur justifie avoir mis en œuvre les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail, et avoir pris toutes les mesures immédiates propres à faire cesser le harcèlement dès qu’il a été informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, il peut s’exonérer de sa responsabilité.
Cependant, l’entreprise risque-t-elle de voir sa responsabilité engagée si les faits de harcèlement moral ne sont pas retenus par les juridictions pénales ?
Harcèlement moral et obligation de préserver la santé du salarié : distinction de préjudice
La Cour de cassation réitère une position qu’elle avait déjà prise en 2012 : la relaxe de l’auteur présumé de faits de harcèlement moral sur des salariés de l’entreprise n’empêche pas l’entreprise d’être condamnée au civil sur le terrain du non-respect de son obligation de préserver la santé de ses salariés !
Dans ces espèces, des salariés d’un supermarché étaient harcelés par un de ses directeurs. Les victimes rapportent alors l’irrespect, les pressions psychologiques, l’hyper surveillance, les incitations à la délation, qu’elles vivent quotidiennement.
Elles intentent une action au pénal pour faire reconnaître le délit de harcèlement moral, mais l’auteur présumé est relaxé…
Parallèlement, les parties intentent individuellement une action sur le plan civil afin d’obtenir des dommages intérêts pour non-respect par l’entreprise de son obligation de préserver la santé de ses salariés.
Condamnée en appel, l’employeur estime qu’il ne peut pas être condamné pour non-respect de son obligation de prendre soin de la santé de ses salariés vis à vis d’actes de harcèlement moral, actes qui ne sont pas caractérisés au pénal.
La Cour de cassation considère, au contraire, que la prohibition d’actes de harcèlement moral est une chose, mais que la prévention des risques impactant la santé psychique des salariés en est une autre.
Ainsi, et nonobstant la qualification des agissements sur le plan pénal, l’employeur aurait dû prendre les mesures nécessaires pour éviter que ces agissements, ayant nui véritablement à la santé des salariés, ne se produisent. Il suffit pour cela de démontrer que les salariés subissent une souffrance sur leur lieu de travail que l’employeur n’a pas réussi à empêcher…
Pour vous aider à remplir vos obligations et éviter tout comportement inapproprié, les Editions Tissot vous proposent une affiche rappelant les points essentiels à retenir sur le harcèlement « Affiche Prévention du harcèlement ».
Cour de cassation, chambre sociale, 6 décembre 2017, n° 16-10885 à 16-10891 (nonobstant la qualification des agissements sur le plan pénal, l’employeur aurait dû prendre les mesures nécessaires pour éviter que ces agissements, ayant nui véritablement à la santé des salariés, ne se produisent).
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