Lanceurs d’alerte – La protection des agents publics

Le fonctionnaire qui a lancé une alerte au sens de la loi du 9 décembre 2016 ne peut être sanctionné ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire. À condition d’avoir respecté les procédures prévues.

La loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013, dite loi Sapin, a ajouté l’article 6 ter A à la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant statut général des agents publics, créant la notion de lanceur d’alerte dans la fonction publique.

En outre, la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, dite loi Sapin II, donne une définition générale du lanceur d’alerte. Elle crée également « le référent alerte ». Elle précise les modalités de signalement d’une alerte et impose l’obligation de mettre en place des procédures de recueil des signalements dans un certain nombre d’organismes.
Par ailleurs, la protection des lanceurs d’alerte a été renforcée sur les plans statutaire et pénal par la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 (dite « loi déontologie ») et la par loi Sapin II.

Le décret d’application n° 2017-564 du 19 avril 2017 décrit les procédures à mettre en place depuis le 1er janvier 2018 et définit le rôle du référent ; et une circulaire du ministère de la Justice du 31 janvier 2018 est relative aux dispositions pénales prévues par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016.

 

I. La définition du lanceur d’alerte

L’article 6 de la loi du 9 décembre 2016, précitée, définit le lanceur d’alerte comme une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi :
– un crime ou un délit ;
– une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement ;
– une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général.

II. Les conditions de signalement d’une alerte

L’article 8-I de la loi du 9 décembre 2016 indique les modalités de signalement que doit respecter tout lanceur d’alerte. Ces dispositions prévoient une procédure graduelle et associant plusieurs destinataires successifs.

En premier lieu, le signalement de l’alerte est porté à la connaissance du supérieur hiérarchique direct ou indirect de l’agent, de son employeur ou du référent alerte désigné par celui-ci.
En l’absence de diligences du destinataire de l’alerte dans un délai raisonnable à vérifier la recevabilité du signalement, l’alerte est adressée à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative (par exemple : préfet, recteur, inspections…).
En dernier ressort, à défaut de traitement par l’un des organes mentionnés ci-des- sus dans un délai de trois mois, le signalement peut être rendu public.
À titre dérogatoire, en cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles, le signalement peut être porté directement à la connaissance de l’autorité judiciaire, de l’autorité administrative ou des ordres professionnels et il peut être rendu public (article 8-II de la loi précitée). Cette hypothèse vise, notamment, des situations d’urgence telles qu’un risque d’intoxication ou de pollution.

En outre, toute personne peut adresser son signalement au Défenseur des droits qui l’orientera vers l’organisme approprié de recueil de l’alerte (article 8-IV de la loi précitée).
Le signalement doit alors être adressé par écrit par voie postale et sous double enveloppe. Les éléments de la saisine doivent être insérés dans une enveloppe intérieure fermée portant la mention « signalement d’une alerte (date d’envoi) », elle-même insérée dans une seconde
enveloppe adressée au Défenseur des droits.
Lorsque l’alerte porte sur une situation de conflit d’intérêts, l’article 6 ter A de la loi du 13 juillet 1983, précitée, prévoit que l’agent doit d’abord saisir une des autorités hiérarchiques dont il relève. Ce n’est que si cette saisine est restée vaine qu’il peut saisir les autorités judiciaires ou administratives. Il peut également alerter le référent déontologue.

 

III. Quelle protection pour les lanceurs d’alerte ?

Le fonctionnaire qui a lancé une alerte au sens de la loi du 9 décembre 2016, précitée, dans le respect des procédures prévues, ne peut être sanctionné ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte (article 6 ter A de la loi du 13 juillet 1983).

Par ailleurs, ce même article protège tout fonctionnaire qui aurait relaté ou témoigné, de bonne foi, aux autorités judiciaires ou administratives des faits constitutifs d’un délit, d’un crime ou susceptibles d’être qualifiés de conflit d’intérêts, dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions. Ainsi, aucune mesure portant notamment sur le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l’évaluation, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation ne peut être prise à l’égard du fonctionnaire. Ce dispositif s’applique également aux agents contractuels (article 32 de la loi du 13 juillet 1983, précitée). Ainsi, il est interdit à l’employeur de prendre à leur égard toute mesure discriminatoire, directe ou indirecte, concernant le recrutement, l’affectation, la détermination ou la réévaluation de la rémunération, la promotion, la formation, l’évaluation, la discipline, la mobilité, la portabilité du contrat, le reclassement, le licenciement et le non-renouvellement du contrat.

Toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit (article 6 ter A précité). En cas de litige entre l’agent et son employeur suite à un signalement, il existe une présomption de bonne foi au bénéfice du lanceur d’alerte. En effet, dès lors que ce dernier présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu’il a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit, d’un crime, d’une situation de conflit d’intérêts ou d’un signalement constitutif d’une alerte, il y a inversion de la charge de la preuve. Il appartient à l’employeur de prouver que la mesure litigieuse qu’il a prise est justifiée par des éléments objectifs étrangers au signalement (article 6 ter A précité). Par ailleurs, le juge administratif peut ordonner la réintégration de tout agent lanceur d’alerte ayant fait l’objet d’un licenciement, d’un non-renouvellement de son contrat ou d’une révocation, y compris lorsqu’il était titulaire d’un contrat à durée déterminée (article L. 911- 1-1 code de justice administrative).

En outre, un fait justificatif du délit de violation du secret professionnel est créé, protégeant les lanceurs d’alerte (article 122-9 du Code pénal). Ainsi, n’est pas pénalement responsable la personne qui porte atteinte à un secret protégé par la loi, dès lors que :
– cette divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause ;
– elle intervient dans le respect des procédures de signalement ;
– la personne répond aux critères de définition du lanceur.
Toutefois, cette disposition ne concerne pas les faits couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client qui sont exclus du régime de l’alerte (article 6 de la loi du 9 décembre 2016, précitée).
Les procédures mises en œuvre pour recueillir les signalements doivent garantir une stricte confidentialité de l’identité de l’auteur du signalement ; des personnes visées par celui-ci ; des informations recueillies par l’ensemble des destinataires (article 9 de la loi du 9 décembre 2016).
Les éléments de nature à identifier le lanceur d’alerte ne peuvent être divulgués qu’avec le consentement de celui-ci, sauf lorsqu’ils le sont auprès de l’autorité judiciaire.
Les éléments de nature à identifier la personne mise en cause par un signalement ne peuvent être divulgués qu’une fois établi le caractère fondé de l’alerte, sauf lorsqu’ils le sont auprès de l’autorité judiciaire.

 

IV. La procédure de recueil des signalements

La loi du 9 décembre 2016 crée l’obligation, pour les structures publiques les plus importantes, de mettre en place des procédures de recueil des signalements (article 8-III).
Le décret d’application n° 2017-564 du 19 avril 2017 précise les modalités du dispositif entré en vigueur le 1er janvier 2018.
Sont concernés par cette procédure de recueil de signalement émis par les membres de leur personnel ou par des collaborateurs extérieurs et occasionnels les personnes morales de droit public ou de droit privé d’au moins cinquante salariés, les administrations de l’État, les communes de plus de 10 000 habitants ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles sont membres, les départements et les régions.

La procédure détermine les modalités selon lesquelles l’auteur du signalement (article 5-I du décret du 19 avril 2017, précité) :
– l’adresse à son supérieur hiérarchique, direct ou indirect, à l’employeur ou au référent ;
– communique les faits, informations ou documents, quelle que soit leur forme ou leur support, étayant son signalement ;
– fournit le cas échéant les éléments permettant un échange avec le destinataire du signalement.
Elle mentionne la création éventuelle d’un traitement automatisé des signalements mis en œuvre après autorisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
La procédure définit également les dis- positions prises par l’administration (article 5-II du décret précité) pour :
– informer sans délai l’auteur du signalement de la réception de celui-ci ;
– l’informer du délai raisonnable et prévisible d’examen de la recevabilité et des modalités selon lesquelles il est informé sur les suites données au signalement ;
– garantir la stricte confidentialité de l’auteur du signalement, des faits signalés et des personnes visées. Cette garantie s’applique également en cas de communication à des tiers, dès lors que celle-ci est nécessaire pour les seuls besoins de la vérification ou du traitement du signalement ;
– détruire les éléments du dossier de signalement de nature à permettre l’identification de l’auteur du signalement et des personnes visées lorsqu’aucune suite n’y a été donnée, en précisant le délai pour procéder à cette destruction. Ce délai ne peut excéder deux mois à compter de la clôture des opérations de recevabilité ou de vérification. En outre, l’auteur du signalement et les personnes visées par celui-ci sont informés de cette clôture.

La procédure précise également l’identité du référent susceptible de recevoir les alertes (article 4-II du décret précité).

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